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1978 : la figurine “Princesse Leia”
1978… Commençons par planter le décor. C’est dans les illustrés jeunesse de mars 1978 qu’on vit apparaître les premières publicités pour les jouets “La Guerre des Étoiles”. Il s’agissait essentiellement de figurines, qu’on appelait d’ailleurs pas encore ainsi. Autrefois, on disait juste des “personnages”. Et elles étaient alléchantes, ces publicités ! Vraiment superbes ! Douze personnages, avec leurs armes, étaient à notre disposition dans tous les bons magasins. Bon, Luke et Vador avaient un sabre laser cassé sur la photo, Solo avait sa petite tête des premiers jours, il manquait le jawa et l'homme des sable, mais bon...
Petite digression : dans les années 70, il n’y avait en gros que trois moyens d’acheter des jouets : les magasins de jouets proprement dit, les grandes surfaces et les catalogues de vente par correspondance. Car soyons clairs, ces figurines Star Wars n’était pas encore ces pièces de collection vendues à pris d’or en magasin spécialisé, ce n’était “que” de vulgaires jouets, sans noblesse particulière. Or voilà où se situait la difficulté : les magasins de jouets étaient rares, seulement situés dans les grandes villes, et en général les prix y étaient fort élevés. A Nancy, il ne devait pas y en avoir plus de deux ou trois et ils tournaient au ralenti en dehors des périodes de Noël. Les grandes surfaces, quant à elles, ne possédaient un rayon jouets digne de ce nom qu’à partir de novembre. Enfin la vente par correspondance, en gros limitée à deux grandes enseignes situées du côté de Roubaix-Tourcoing, ne proposait des jouets que dans les catalogues automne-hiver, et pour commander il fallait attendre le bon vouloir des parents ou posséder soi-même un carnet de chèque, ce qui n’était pas gagné quand on avait 12 ans. On ne commandait pas comme aujourd’hui, à l’époque, et il fallait attendre d’avoir pas mal de trucs à acheter pour passer par courrier une commande dûment réfléchie, justifiant les frais de port exorbitants. Donc, comment diable trouver des jouets qui sortaient en magasin au printemps ? En général, pour obtenir des jouets, il fallait attendre soit Noël, soit un anniversaire, soit sa “fête”, et en dehors de ces dates, on n’avait pas trop l’occasion d’en avoir sauf grand événement. Il restait encore l’option argent de poche, mais dans les années 70, un gamin de douze ans ne pouvait pas compter comme aujourd’hui sur quelques dizaines d’euros par mois au bas mot. En bons vieux francs, ça devait tourner autour de 5 francs par mois, ce qui revient à moins d’un euro (pour les lecteurs les plus jeunes). Heureusement qu’en argent constant, on en avait plus pour cinq francs de l’époque qu’avec 80 centimes d’aujourd’hui ! Un numéro de Strange coûtait 4 francs, par exemple. Bref, pour obtenir ces fameuses figurines, il fallait être rusé ou avoir la chance d’avoir un anniversaire qui tombait au bon moment. Et j’étais rusé.
C’est dans la vitrine d’une petite droguerie-quincaillerie, vers mai ou juin 1978, que j’ai vu ma première figurine. Ce magasin se trouvait judicieusement placé non loin de l’agence bancaire où se rendaient régulièrement mes parents, dans le village voisin du mien. Et ce quincaillier avait eu la non moins judicieuse idée de commander ces figurines. C’était donc une princesse Leia, dans son blister à dominante bleue, qui trônait dans la petite vitrine à côté de la porte d’entrée. Elle ressemblait à ça :
Il faut préciser qu’à l’époque, on n’avait pas du tout l’habitude de ce genre de jouets ; de petites figurines articulées reproduisant les personnages d’un film, c’était complètement nouveau. C’était encore la préhistoire des produits dérivés, et les parents avaient beaucoup de mal à comprendre l’intérêt qu’on avait pour ces jouets assez étranges.
Après force pleurs, supplications, requêtes et calculs du contenu de la tirelire, j’ai acquis ainsi ma première figurine Star Wars. Elle était belle, cette princesse. Elle avait un visage si doux, d’une douceur incroyable malgré sa petite taille. Les figurines modernes ont eu bien du mal à égaler ce visage-là ! Un joli sourire à la Mona Lisa, de petites mains roses qui tenaient délicatement (et d’ailleurs aussi très difficilement) un non moins petit pistolet laser que j’ai d’ailleurs très vite perdu, et une cape en vinyle blanc, qui sentait bon le plastique neuf, comme le film qu’on utilisait pour recouvrir les livres scolaires. C’était un beau jouet, du moins dans l’esprit du jeune fan que j’étais.
Aujourd’hui, je ne possède plus aucun de ces blisters; le sens du “rangement” des parents étant nettement différent de celui des gamins, ces cartons sont vite passés par la case poubelle.
La quincaillerie de Pompey devint donc mon fournisseur attitré de “personnages de la Guerre des Étoiles”. Mes parents ont très vite compris pourquoi je voulais systématiquement les accompagner quand ils allaient à la banque et pourquoi je me lamentais régulièrement sur la dureté des finances d’un gamin de 12 ans. Une figurine devait représenter grosso modo quatre mois d’argent de poche, dons divers de la famille et des grands-parents inclus. D’autres figurines ont suivi, bien entendu, la seconde étant R2-D2, la troisième Chewbacca (appelé Chicktabba sur le blister), etc. Mais c’est une autre histoire. Une chose est sûre : plus jamais dans ma vie de collectionneur je n’ai à nouveau vécu ce frisson particulier de voir cette première figurine en vitrine et l’acheter. C’était comme posséder un véritable trésor, et j’aurais été prêt à échanger la plupart de mes autres jouets contre ces figurines.
Aujourd’hui, trente trois ans après, tout cela peut faire sourire, surtout nos jeunes fans collectionneurs qui n’hésitent pas à mettre des dizaines sinon des centaines d’euros dans des jouets de collection ou des statuettes. Ricanez, les copains ! Mais moi, cette figurine, je la possède toujours, elle a perdu un peu de sa couleur d’origine, je l'accorde, le plastique a tendance à devenir poisseux avec l’âge, sa cape d’époque a disparu depuis longtemps, remplacée par une autre faite maison, mais elle est toujours là, elle a toujours son doux regard, son sourire et ses petites mains, et aucune autre figurine ne pourra la remplacer dans mon cœur de collectionneur.